En 2007, l’enquête INSEE montrait que 25% des agressions sexuelles et 4,7% des viols dont sont victimes les femmes se sont produits sur leur lieu de travail. Des chiffres inquiétants… Revenons sur les enquêtes de cette dernière décennie et sur le cadre juridique français pour tenter d’expliquer un phénomène enfin au cœur des débats.
D’après l’étude sur les relations de travail entre les femmes et les hommes sur la base d’une consultation des salarié·e·s de neuf grandes entreprises menée par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en 2013, 80% des femmes salariées considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou comportements sexistes.
L’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) de 2000 précise que 17 % des cas de harcèlement, 8,5% des cas d’agressions verbales, 0,6% des cas d’agressions physiques, 2,2% des cas de destructions du travail et de l’outil de travail sont dénoncés. Les violences au travail sont des blagues sexistes ou sexuelles, des insultes, des avances sexuelles verbales gênantes ou agressives, du « pelotage », du voyeurisme, des attouchements … ou des viols.
Selon l’enquête IFOP pour le Défenseur des droits de 2014, 1 femme sur 5 a été victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle, mais 5% seulement des cas ont fait l’objet d’un procès. 64% des répondants de l’enquête estiment qu’il est fréquent qu’une personne subisse un environnement de travail avec des blagues à caractère sexuel, mais plus de la moitié considère qu’il ne s’agit pas de harcèlement. Près de 60% des hommes interrogés pensent d’ailleurs que ce n’est « pas très grave ». Pour 75% des victimes de harcèlement sexuel au travail, il s’agissait de gestes ou de propos à connotation sexuelle répétés.
Pour ce qui est des auteurs de harcèlement, il s’agit majoritairement des collègues (41%), puis des employeurs dans 22% des cas, d’un supérieur hiérarchique dans 18% des cas et d’un client dans 13% des cas. Presque un tiers des victimes ont déclaré ne s’être confiées à personne. Lorsqu’elles osent en parler, leurs premiers confidents sont leurs proches (55% des cas), leurs collègues (43%) et en minorité les instances de représentation du personnel (7%). En revanche, dans 70% des cas, la direction ne prend jamais connaissance de ces situations. Lorsque c’est le cas, 40% des victimes estiment qu’elles ont été lésées dans le traitement de l’affaire et 48% considèrent que l’auteur n’a finalement pas été sanctionné. Et lorsque il est sanctionné, il s’agit de sanctions disciplinaires dans 43% des cas, de licenciement (30%), de non-renouvellement du contrat (26%) et, de mutation (13%).
Parmi les victimes, un tiers révèle des atteintes à leur santé physique et mentale mais les situations de harcèlement impactent aussi fortement leur carrière. En effet, 28% déclarent que leur carrière a été bloquée, 14% mentionnent le non-renouvellement de leur contrat, 9% démissionnent à la demande de leur employeur, 7% sont mutées, et 5% subissent des refus d’embauche.
Le cadre juridique
Malgré l’arsenal juridique existant en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, ce n’est qu’en 1975 que les institutions ont commencé à légiférer sur le thème de l’égalité professionnelle en incluant la question du harcèlement sexuel.
Au niveau communautaire, la directive du 9 février 1976 pose le principe de « l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle ainsi que les conditions de travail et […] la sécurité sociale » (1). Cette directive sera transposée en France en 1983 avec la loi Roudy qui réaffirme le principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en instaurant l’obligation pour les entreprises de réaliser un rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise qui « comporte une analyse chiffrée permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération effective » (2). Ce rapport de situation comparée permet de mettre en exergue les inégalités au sein de l’entreprise et de définir ainsi la marche à suivre pour les réduire.
En 1983, la loi Le Pors se focalise sur l’égalité entre fonctionnaires et interdit tous types de harcèlement sexuel à l’encontre d’un·e fonctionnaire. Elle dispose en effet qu’« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe [et qu’]aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (3).
En 2008, la loi définit le principe de discrimination en incluant la question de harcèlement sexuel : « la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (4).
Le code du travail précise que « Aucun salarié ne doit subir des faits : soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante; soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers» (5).
En 2012, la loi relative au harcèlement sexuel précise sa définition : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers » (6).
Dans un rapport de 2015, le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle apporte des précisions : « le sexisme au travail s’entend de toute croyance qui conduit à considérer les personnes comme inférieures à raison de leur sexe ou réduites essentiellement à leur dimension sexuelle, et de tout geste, propos, comportement ou pratique, fondés sur une distinction injustifiée […]. Il inclut des actes allant du plus anodin apparemment, à la discrimination fondée sur le sexe, au harcèlement sexuel, sexiste ou moral motivé par le sexe de la personne, à l’agression sexuelle, la violence physique, le viol ».
Manon Choaler, 50-50 Magazine
1- Directive du Conseil du 9 février 1976 n°76/207/CEE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, article premier
2- Loi n°83-635 du 13 juillet 1983 dite « loi Roudy » portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, article 11 qui insère l’article L. 432-3-1 au le code du travail
3- Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite Loi Le Pors, article 6 bis
4- LOI n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
5- Art. L.1153-1 du code du travail
6- Loi n° 2012-954 du 6 août 2012, Art. 222-33.-I et art. 222-33-II
Le ministère tunisien du Transport a expliqué dans un communiqué avoir "décidé de suspendre les vols de la compagnie émiratie vers Tunis jusqu'à ce qu'elle soit capable de trouver la solution adéquate pour opérer ses vols conformément au droit et aux accords internationaux".
"Emirates va cesser ses liaisons entre Tunis et Dubaï, comme ordonné par les autorités tunisiennes, à partir du 25 décembre 2017", a déclaré à l'AFP un porte-parole de cette compagnie.
Depuis vendredi, les Tunisiennes, quel que soit leur âge, ont été provisoirement empêchées d'embarquer sur des vols pour les Emirats arabes unis sans qu'aucune explication ne leur soit fournie.
La compagnie Emirates assure un aller-retour par jour entre Dubaï et Tunis.
Selon des témoignages de passagères diffusés par les médias tunisiens, les employés de la compagnie leur ont seulement dit que les porteuses d'un passeport tunisien n'étaient pas autorisées à se rendre aux Emirats, même pour une correspondance.
Les hommes, quant à eux, avaient été invités à embarquer.
Cette mesure a été appliquée pour la première fois vendredi. Quelques heures plus tard, l'ambassadeur des Emirats en Tunisie avait évoqué une décision "temporaire", assurant qu'elle avait été "levée", et les Tunisiennes avaient finalement pu embarquer. Mais d'autres cas, comme celui d'une jeune femme à Beyrouth samedi, ont été enregistrés.
L'affaire fait depuis scandale en Tunisie, où médias et réseaux sociaux se sont enflammés.
Dimanche, les Emirats ont évoqué des questions de "sécurité" pour expliquer ces "mesures".
"Nous avions été en contact avec (nos) frères en Tunisie sur une information concernant la sécurité qui a nécessité des mesures spécifiques et temporaires", a dit sur Twitter le ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères Anwar Gargash.
Plus tôt, quatre ONG tunisiennes, dont la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (LTDH) et l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), avaient dénoncé une "décision discriminatoire" qui "viole la dignité et les droits des femmes".
Il s'agit aussi d'une violation de "la souveraineté de l'Etat tunisien", ont-elles poursuivi, en appelant les autorités tunisiennes à se montrer "fermes".
Les relations entre les Emirats et la Tunisie se sont détériorées après la révolution de 2011 et, notamment, le passage au pouvoir du parti islamiste Ennahdha (fin 2011-début 2014), qui entretient des relations étroites avec le Qatar. Une crise diplomatique oppose depuis six mois Doha aux Emirats et à l'Arabie saoudite.