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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 11:48

Mohamed Jaoua

Hommage à Abbas Bahri · Public

Lu pendant l'hommage à Abbes Bahri samedi le 20/02/2016 à la Bibliothèque Nationale à Tunis

Je ne parlerai pas des mathématiques de Abbas. D’autres, ici présents, en parleront – en ont déjà parlé - mieux que je ne saurais le faire.

Non que les mathématiques fussent étrangères à notre relation. Nous les avons servies, chacun à sa manière, chacun de son côté et parfois ensemble, chacun selon ses capacités, et les siennes étaient incomparables.

Mais elles nous ont surtout rapprochés en ce que, comme le dit Alain Badiou, « loin d’être l’exercice ingrat et vain que l’on imagine, elles pourraient bien être le chemin le plus court pour la vraie vie. »

Je veux donc parler de ce jeune homme de 20 ans, que j’ai connu en débarquant à Paris en 1974, et du long compagnonnage qui nous a unis en mathématiques comme dans la vie, et dans la vie par les mathématiques.

Je veux parler de ce fils de grande famille, né du bon côté du manche, qui ne détestait rien davantage que l’injustice et la domination.

Je veux parler de ce tunisois, parti très jeune à Paris, qui connaissait mieux que quiconque la géographie des tribus tunisiennes, des Majer et des Frachich, des Hemmama et des Ouled Ayar, des Jlass et de tous ces mal-aimés qui, en accompagnant la révolte de Ali Ben Ghedahem, ont préparé la naissance de la Tunisie moderne.

Je veux parler de ce citoyen du monde qui avait cette Tunisie là chevillée au corps, et qui rêvait de lui offrir le monde.

Je veux parler de cet érudit d’exception, qui pouvait soutenir une controverse philosophique avec Althusser le soir à la rue d’Ulm, et se retrouver le lendemain à l’aube dans le métro à coller des affiches pour défendre l’UGTT.

Je veux parler de cet intellectuel lumineux, qui pouvait lire l’intégralité de l’œuvre de Gramsci en quelques jours, pour en restituer la quintessence à ses camarades – dont j’étais – qui ne juraient que par « L’Etat et la révolution ».

Je veux parler de ces longues nuits de septembre passées à préparer le couscous pour le stand tunisien de la fête de l’Huma.

Et de Marcel Khalifa, venu nous y rendre visite un soir, quelques jours à peine après la chute de Tell El Zaatar, armé de son seul luth et des poèmes de Mahmoud Darwish, et dont nous finîmes par connaître par cœur toutes les chansons.

Je veux parler de ce brillant élève de Carnot, où la langue arabe était la cinquième roue du carrosse, qui lisait pourtant dans le texte les manuscrits arabes les plus rares, chinés chez les bouquinistes les plus improbables.

Je veux parler de ce lettré, de cet homme qui avait tout lu, et qui continuait pourtant à s’émerveiller de la moindre ligne qu’on pouvait lui donner à découvrir.

Je veux parler de cet amoureux des Lumières, élevé au biberon de Diderot et d’Alembert, qui nous ouvrit les yeux sur d’autres siècles de lumières qui précédèrent la longue décadence arabe.

Et je veux parler enfin de ce rationaliste à la spiritualité exigeante, qui nous fit découvrir - à travers la lecture des « Rasaïl Ikhwan Al Safa » - que Descartes aurait pu naître arabe, s’il n’avait attendu si longtemps pour être.

Car Abbas était tout cela, en plus du mathématicien de génie qu’il était. Il était tout cela, parce que mathématicien de génie il était.

Mais comment pourrais-je quitter Abbas sans parler de l’oncle bienveillant et affectueux, au verbe haut et au rire contagieux, qu’il a été pour mes enfants ?

De l’ami de quarante ans, dont l’absence continue à me dévaster chaque minute que Dieu fait depuis quarante jours ?

Du cadet qui m’a beaucoup plus appris que je ne lui ai appris ?

Et du frère de luttes et de cœur, avec lequel j’ai partagé accords et désaccords, succès et désillusions, complicités et disputes aussi parfois … bien sûr ? « Bien sûr nous eûmes des orages », chante Brel qu’il affectionnait aussi.

En lui disant adieu, j’ai voulu résumer tout ce que Abbas a été. Mais Omar Khayyam l’avait fait avant moi, bien mieux que moi, en un quatrain :

Mon coeur m'a dit : Je veux savoir, je veux connaître !

Instruis-moi, Abbas, toi qui as tant travaillé !

J'ai prononcé la première lettre de l'alphabet et mon coeur m'a dit : Maintenant, je sais.

Un est le premier chiffre du nombre qui ne finit jamais

(Texte lu lors de la cérémonie du 40ème jour à la Bibliothèque Nationale, 20 février 2016)

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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 20:18

A mon frère disparu, Abbas Bahri

par Mohamed Jaoua[1]

La Tunisie pleure Abbas Bahri. Mathématicien de génie, homme de science et de culture, savant au sens médiéval du terme, c’était un érudit et un esprit universel, sans doute le cerveau le plus puissant auquel notre pays ait donné naissance. Avec lui, j’ai perdu le 10 janvier un ami de quarante ans, un compagnon des bons et des mauvais jours, un frère.

Je l’ai connu à Paris en 1974, j’arrivais alors de Tunis et il venait d’intégrer la rue d’Ulm. Les mathématiques nous avaient rapprochés, et la politique tout autant. Militants de gauche dans un pays qui ne tolérait qu’une opinion, patriotes et internationalistes, nous avons traversé ensemble – au sein d’un petit parti d’opposition – les controverses intellectuelles les plus riches qu’il ait été donné aux jeunes de notre époque de connaître.

La première était celle du rapport de la démocratie au socialisme, dont la résolution a ouvert le long chemin qui nous conduisit au 14 janvier. Et la seconde celle du rapport de l’Islam à la politique, charriée par la révolution iranienne et l’irruption de l’islamisme dans le champ politique tunisien. Je me souviens de nos débats sans fin dans les chambres d’étudiants enfumées qui nous servaient de lieux de réunion, de nos accords et de nos désaccords, invariablement conclus autour d’une bonne table. Abbas les éclairait d’interventions érudites, argumentées, convoquant l’histoire de la Tunisie depuis La Kahena à Ali Ben Ghedahem, celle du mouvement social et national contemporain, et l’histoire du monde. Convoquant aussi la pensée moderne issue de la Renaissance et de la Révolution française, nourrie d’éléments de science et de culture dont beaucoup puisaient aux sources des lumières de la civilisation arabo-islamique.

Présent sur la scène syndicale avec la création de la « Base des grandes écoles » qui fut une préfiguration de l’ATUGE, présent sur sur le terrain culturel avec l’organisation du ciné club Ibn El Haythem, des journées culturelles tunisiennes, et l’édition de la revue de cinéma « Adhoua », Abbas était de tous les échanges et de tous les débats.

Sans oublier sa présence militante à la base, aux réunions de l’UGET et du Collectif tunisien du 26 janvier, créé pour défendre l’UGTT aux prises avec la répression. Et ces collages d’affiches au petit matin, courant de quai en quai pour fuir agents de la RATP et policiers, avec pour récompense le café noir pris à 7H dans quelque bistrot à peine ouvert. C’est encore barbouillé de colle qu’il nous salua un de ces matins là pour s’en aller tranquillement passer le concours d’agrégation, dont les épreuves commençaient une heure plus tard. Il y fut admis, bien sûr, classé 25ème sur environ 200 reçus, dans ce concours qui était alors d’une exigence redoutable. Sans autre préparation que son ébullition intellectuelle constante et sa curiosité sans cesse aux aguets.

Car Abbas n’avait nul besoin de « préparation », puisque les mathématiques étaient sa première langue – à côté de toutes les autres – et sa respiration. Il en lisait les ouvrages savants comme d’autres des romans, et en maniait les concepts les plus ardus avec une facilité déconcertante. Il lui fallut ainsi moins de deux ans pour venir à bout de sa thèse d’Etat, là où il en fallait cinq ou six à un doctorant « normal ». Et quelle thèse ! Il y révolutionna l’étude des équations aux dérivées partielles en y convoquant les outils de la géométrie. Sa culture encyclopédique lui permettait en effet de s’affranchir de toutes les frontières interdisciplinaires, lui donnant une puissance inégalée dans l’analyse et la résolution des problèmes.

Thèse soutenue, le voilà aussitôt à Tunis – loin des voies royales ouvertes à son génie – pour intégrer la Faculté des Sciences en 1981 en qualité de maître de conférences. La désillusion, celle de la « normalisation », y fut aussi grande que l’étaient ses ambitions pour le pays. Il se résolut donc à reprendre la route en 1982 pour s’installer d’abord à Chicago, puis à l’Ecole Polytechnique, avant d’intégrer l’Université de Rutgers en 1987 où il effectua toute la suite de sa carrière.

En 1990, il s’est heureusement trouvé un homme d’Etat – Mohamed Charfi – pour rétablir l’honneur de l’université tunisienne en l’y réintégrant, en qualité de professeur à l’ENIT. Nous pûmes alors tirer pleinement parti de ses compétences et de son rayonnement pour lancer une formation doctorale en Mathématiques Appliquées, au sein de laquelle il joua un rôle déterminant. Orchestrant la noria des visites à Tunis de sommités internationales, et celles de nos enseignants et doctorants aux Etats Unis, animant un séminaire de haute facture, encadrant de nombreux doctorants, enseignant en DEA les mathématiques les plus actuelles, Abbas déploya une énergie sans pareille pour hisser cette formation au plus haut niveau international. Avec sa présence constante, sa patience et sa bienveillance infinies, notamment avec les plus jeunes, avec sa générosité dans le partage de la science inépuisable qui était la sienne, avec son humilité et sa gentillesse jamais prises en défaut.

Lorsque les vicissitudes politiques l’éloignèrent à nouveau du pays, car sa liberté d’esprit ne pouvait tolérer aucune compromission, Abbas continua à entretenir ses collaborations avec les mathématiciens tunisiens. Nombreux sont ceux – jeunes et moins jeunes – qu’il invita régulièrement à Rutgers, les aidant à tisser leurs liens avec la communauté internationale. Et tout aussi nombreuses furent ses interventions dans les cénacles mathématiques tunisiens les plus essentiels, les plus profonds en même temps que les moins ostentatoires, comme ce colloque annuel de « Dar El Hout » qu’il a constamment enrichi de sa présence et de son intérêt. Car Abbas ne méprisait rien davantage que le clinquant et la lumière factice, puisqu’il était lui-même lumière, éclatante.

De ce géant qui était mon cadet, j’ai davantage appris que de nombre de mes maîtres. Et d’abord de ne jamais penser petit, car aucune ambition ne saurait être assez grande pour notre pays, pour peu qu’il fasse de la science son credo. Lui pensait dur comme fer que la roue de l’histoire avait tourné, et qu’il nous revenait à présent de reconstruire le monde. Et Dieu … qu’il avait raison !

Adieu Abbas, l’ami, le frère. Adieu, l’oncle si drôle et affectueux dont se souviennent avec émotion mes enfants. Adieu l’exemple vivant, et d’autant plus vivant aujourd’hui dans nos cœurs que tu n’es plus. Là bas, dans ce pays lointain où nous nous retrouverons un jour, je sais que tes équations continuent à vivre, tes éclats de voix à surprendre et tes fulgurances à illuminer. Alors, quand un éclair surgira dans le ciel, quand un orage y grondera et qu’un grand rire tonnera, je saurai que c’est encore toi qui fais des tiennes. Et je serai heureux de te savoir toujours proche … car tu ne nous pas quittés, n’est-ce pas ?

Mohamed Jaoua

Tunis, 14 janvier 2016

[1] Mathématicien

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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 18:23

A mon frère disparu, Abbas Bahri

par Mohamed Jaoua[1]

La Tunisie pleure Abbas Bahri. Mathématicien de génie, homme de science et de culture, savant au sens médiéval du terme, c’était un érudit et un esprit universel, sans doute le cerveau le plus puissant auquel notre pays ait donné naissance. Avec lui, j’ai perdu le 10 janvier un ami de quarante ans, un compagnon des bons et des mauvais jours, un frère.

Je l’ai connu à Paris en 1974, j’arrivais alors de Tunis et il venait d’intégrer la rue d’Ulm. Les mathématiques nous avaient rapprochés, et la politique tout autant. Militants de gauche dans un pays qui ne tolérait qu’une opinion, patriotes et internationalistes, nous avons traversé ensemble – au sein d’un petit parti d’opposition – les controverses intellectuelles les plus riches qu’il ait été donné aux jeunes de notre époque de connaître.

La première était celle du rapport de la démocratie au socialisme, dont la résolution a ouvert le long chemin qui nous conduisit au 14 janvier. Et la seconde celle du rapport de l’Islam à la politique, charriée par la révolution iranienne et l’irruption de l’islamisme dans le champ politique tunisien. Je me souviens de nos débats sans fin dans les chambres d’étudiants enfumées qui nous servaient de lieux de réunion, de nos accords et de nos désaccords, invariablement conclus autour d’une bonne table. Abbas les éclairait d’interventions érudites, argumentées, convoquant l’histoire de la Tunisie depuis La Kahena à Ali Ben Ghedahem, celle du mouvement social et national contemporain, et l’histoire du monde. Convoquant aussi la pensée moderne issue de la Renaissance et de la Révolution française, nourrie d’éléments de science et de culture dont beaucoup puisaient aux sources des lumières de la civilisation arabo-islamique.

Présent sur la scène syndicale avec la création de la « Base des grandes écoles » qui fut une préfiguration de l’ATUGE, présent sur sur le terrain culturel avec l’organisation du ciné club Ibn El Haythem, des journées culturelles tunisiennes, et l’édition de la revue de cinéma « Adhoua », Abbas était de tous les échanges et de tous les débats.

Sans oublier sa présence militante à la base, aux réunions de l’UGET et du Collectif tunisien du 26 janvier, créé pour défendre l’UGTT aux prises avec la répression. Et ces collages d’affiches au petit matin, courant de quai en quai pour fuir agents de la RATP et policiers, avec pour récompense le café noir pris à 7H dans quelque bistrot à peine ouvert. C’est encore barbouillé de colle qu’il nous salua un de ces matins là pour s’en aller tranquillement passer le concours d’agrégation, dont les épreuves commençaient une heure plus tard. Il y fut admis, bien sûr, classé 25ème sur environ 200 reçus, dans ce concours qui était alors d’une exigence redoutable. Sans autre préparation que son ébullition intellectuelle constante et sa curiosité sans cesse aux aguets.

Car Abbas n’avait nul besoin de « préparation », puisque les mathématiques étaient sa première langue – à côté de toutes les autres – et sa respiration. Il en lisait les ouvrages savants comme d’autres des romans, et en maniait les concepts les plus ardus avec une facilité déconcertante. Il lui fallut ainsi moins de deux ans pour venir à bout de sa thèse d’Etat, là où il en fallait cinq ou six à un doctorant « normal ». Et quelle thèse ! Il y révolutionna l’étude des équations aux dérivées partielles en y convoquant les outils de la géométrie. Sa culture encyclopédique lui permettait en effet de s’affranchir de toutes les frontières interdisciplinaires, lui donnant une puissance inégalée dans l’analyse et la résolution des problèmes.

Thèse soutenue, le voilà aussitôt à Tunis – loin des voies royales ouvertes à son génie – pour intégrer la Faculté des Sciences en 1981 en qualité de maître de conférences. La désillusion, celle de la « normalisation », y fut aussi grande que l’étaient ses ambitions pour le pays. Il se résolut donc à reprendre la route en 1982 pour s’installer d’abord à Chicago, puis à l’Ecole Polytechnique, avant d’intégrer l’Université de Rutgers en 1987 où il effectua toute la suite de sa carrière.

En 1990, il s’est heureusement trouvé un homme d’Etat – Mohamed Charfi – pour rétablir l’honneur de l’université tunisienne en l’y réintégrant, en qualité de professeur à l’ENIT. Nous pûmes alors tirer pleinement parti de ses compétences et de son rayonnement pour lancer une formation doctorale en Mathématiques Appliquées, au sein de laquelle il joua un rôle déterminant. Orchestrant la noria des visites à Tunis de sommités internationales, et celles de nos enseignants et doctorants aux Etats Unis, animant un séminaire de haute facture, encadrant de nombreux doctorants, enseignant en DEA les mathématiques les plus actuelles, Abbas déploya une énergie sans pareille pour hisser cette formation au plus haut niveau international. Avec sa présence constante, sa patience et sa bienveillance infinies, notamment avec les plus jeunes, avec sa générosité dans le partage de la science inépuisable qui était la sienne, avec son humilité et sa gentillesse jamais prises en défaut.

Lorsque les vicissitudes politiques l’éloignèrent à nouveau du pays, car sa liberté d’esprit ne pouvait tolérer aucune compromission, Abbas continua à entretenir ses collaborations avec les mathématiciens tunisiens. Nombreux sont ceux – jeunes et moins jeunes – qu’il invita régulièrement à Rutgers, les aidant à tisser leurs liens avec la communauté internationale. Et tout aussi nombreuses furent ses interventions dans les cénacles mathématiques tunisiens les plus essentiels, les plus profonds en même temps que les moins ostentatoires, comme ce colloque annuel de « Dar El Hout » qu’il a constamment enrichi de sa présence et de son intérêt. Car Abbas ne méprisait rien davantage que le clinquant et la lumière factice, puisqu’il était lui-même lumière, éclatante.

De ce géant qui était mon cadet, j’ai davantage appris que de nombre de mes maîtres. Et d’abord de ne jamais penser petit, car aucune ambition ne saurait être assez grande pour notre pays, pour peu qu’il fasse de la science son credo. Lui pensait dur comme fer que la roue de l’histoire avait tourné, et qu’il nous revenait à présent de reconstruire le monde. Et Dieu … qu’il avait raison !

Adieu Abbas, l’ami, le frère. Adieu, l’oncle si drôle et affectueux dont se souviennent avec émotion mes enfants. Adieu l’exemple vivant, et d’autant plus vivant aujourd’hui dans nos cœurs que tu n’es plus. Là bas, dans ce pays lointain où nous nous retrouverons un jour, je sais que tes équations continuent à vivre, tes éclats de voix à surprendre et tes fulgurances à illuminer. Alors, quand un éclair surgira dans le ciel, quand un orage y grondera et qu’un grand rire tonnera, je saurai que c’est encore toi qui fais des tiennes. Et je serai heureux de te savoir toujours proche … car tu ne nous pas quittés, n’est-ce pas ?

Mohamed Jaoua

Tunis, 14 janvier 2016

[1] Mathématicien

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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 18:16

Cher si Mohamed-Lakhdar,

Votre invitation pour l'hommage de ce soir m'est parvenue de la part ATUGE Tunisie, qui a reçu votre email et qui m'a fait l'amabilité de me le transférer, étant le représentant de l'association à Paris.

Nous sommes très sensibles à cette invitation, et nous vous en remercions sincèrement.

Malheureusement, ayant d'autres engagements prévus plus tôt, je ne pourrai pas être des vôtres ce soir.

Cependant, je souhaiterais réitérer à mon nom et au nom de l'ATUGE (bureaux tunisien et français) nos hommages et notre tristesse à la suite de la disparition de si Abbes, Allah yarhmou, qui était un esprit brillant et d'une grande valeur. Un véritable fierté de notre communauté nationale scientifique et société civile.

Je serai reconnaissant si vous transmettiez nos condoléances aux proches présents lors de l'hommage ainsi que nos salutations aux présents.

Au plaisir d'échanger avec vous prochainement,

Amicalement,

Ahmed Amine Azouzi

Président de l'ATUGE France - Association des Tunisiens des Grandes Ecoles

Consultant dans les médias et les industries culturelles - BearingPoint France

FR +33 6 26 50 71 41

TN +216 22 808 329

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20 février 2016 6 20 /02 /février /2016 17:56

Hommage à Abbes BAHRI, grand savant mathématicien, militant démocrate et progressiste tunisien,

Bientôt 40 jours qu’Abbas BAHRI est décédé à Tunis Grand mathématicien et de renommée mondiale, Abbas BAHRI était jusqu’à 1974, date de son entrée à l’Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm à Paris, un des deux premiers tunisiens qui ont réussi à intégrer cette prestigieuse école supérieure.

En 1981, Abas BAHRI a réussi deux diplômes de premiers plans l’agrégation et le doctorat d’Etat en mathématiques à l’Université Pierre et Marie CURIE de Paris.

En 1981, il a été nommé Maître de conférences à l’Université Tunis 1. Il a enseigné à divers Instituts supérieurs et universités telle que l’Ecole polytechnique de Tunis de 1984 à 1987, et à l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis (UNIT) (1988-1992), Professeur à l’Université Rutgers et au Center for Nonlinear Analysis jusqu’à 2010. Il a été chercheur-visiteur à l’Université de Chicago sous la direction d’Haïm BREZIS, professeur à Polytechnique, à l’Ecole normale supérieure et à Chicago

En 2014 et 2015 il a assuré des cours à l’Ecole doctorale de l’Ecole Polytechnique de Tunisie.

Abbas BAHRI était lauréat de divers Prix dont le Prix Fermat conjointement avec Alan Ribet de l’Institut de mathématiques de Toulouse pour ses méthodes nouvelles de calcul des variations. De même Il a obtenu le prix Langevin de l’Académie des sciences de Paris.

Abbas BAHRI a eu une vie très riche sur le plan syndical et politique. Il était membre de l’ancien Parti communiste. Etant étudiant dans les années 70, il a milité dans la section de l’Union générale des étudiants de Tunisie et dans le collectif tunisien du 26 janvier pour le soutien et la défense de la direction de l’Union générale tunisienne du travail objet d’une répression dure suite à la grève générale du 26/01/1978.

Les scientifiques tunisiens et la communauté des Mathématiciens du monde ont perdu un grand savant et un démocrate et un militant progressiste.

A l’occasion du 40ième jour de sa disparition, l’Association des Tunisiens en France (ATF), les amis et les camarades d’Abbas BAHRI, vous invitent à une soirée pour rendre hommage à Abbas BAHRI.

Le vendredi 19 février 2016 à partir de 19h00

À l’Espace Fârâbî-ATF, 3-5, rue Louis Blanc, 75010 Paris

M° Louis Blanc, Ligne 7 & M° Colonel Fabien Ligne 2

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 16:42

Action juridique :

Rencontre-débat avec la Conseillère Juridique de l’Espace Farabi, Madame Abir GHALI,

Mercredi 17 février 2016 à 15h00

«Aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants :
précisions et conditions»
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7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 11:07
Déchéance de nationalité : pour Robert Badinter, « une révision constitutionnelle n’est pas nécessaire »

LE MONDE | 05.02.2016 à 06h38 • Mis à jour le 05.02.2016 à 07h52

Robert Badinter à Paris le 25 janvier 2016.

L’ancien président du Conseil constitutionnel estime qu’il suffirait au Parlement de remplacer, dans l’article 25 du code civil, la référence à celui « qui a acquis la qualité de Français » par la mention « tout Français ».

Depuis la proclamation de la République sous la Révolution, la déchéance de nationalité des Français qui servent des puissances étrangères ou portent les armes contre la France a été inscrite sans discontinuer, d’abord dans les Constitutions révolutionnaires, puis dans le code civil.

En 1927, le législateur a réservé la déchéance de la nationalité aux seuls citoyens ayant acquis la nationalité française, notamment par naturalisation. Cette disposition n’avait guère soulevé de polémique. La possibilité de déchéance paraissait aller de soi à l’encontre de toute personne qui, devenue française, portait atteinte aux intérêts fondamentaux de la France. La pratique de la déchéance s’est d’ailleurs avérée rare, se limitant à des cas individuels exceptionnels. Seul le gouvernement de Vichy a pris, à cet égard, des mesures collectives odieuses.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la déchéance de nationalité a été inscrite dans la loi, en 1996, avec l’aval du Conseil constitutionnel.

En mars 1998, le gouvernement Jospin a fait voter par le Parlement l’interdiction de la déchéance de nationalité lorsque celle-ci créait des apatrides. Cette disposition était conforme aux engagements internationaux de la France. Elle a été votée quasiment sans débat.

Alors, pourquoi, aujourd’hui, ces réactions passionnées, à l’égard d’une déchéance de nationalité qui paraissait communément acceptée ?
Une source de discrimination négative

Cette émotion s’explique moins par les dispositions du projet de loi constitutionnelle que par ses effets collatéraux. Le projet déposé par le gouvernement aboutit, en effet, à constitutionnaliser la distinction entre les Français binationaux et les autres Français au regard de la déchéance de la nationalité française. Celle-ci ne serait encourue que par les Français binationaux, comme c’est aujourd’hui le cas dans le code civil. La déchéance serait exclue pour les Français « mononationaux », parce qu’ils deviendraient apatrides, ce qui est contraire à nos engagements internationaux. Les binationaux, en revanche, pourraient être effectivement déchus de la nationalité française, parce qu’ils conserveraient leur autre nationalité et échapperaient à la condition d’apatride. La binationalité, considérée comme un avantage par nombre de ses titulaires, deviendrait ainsi une source de discrimination négative.

Face à cette réaction émotionnelle compréhensible, il convient de rappeler des évidences parfois perdues de vue :

Il ne s’agit pas de voter une loi dirigée contre les binationaux, en les frappant en tant que tels par des mesures collectives. La disposition dénoncée vise des criminels condamnés pour « atteinte grave à la vie de la nation ».

La déchéance de nationalité constitue une peine, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette peine accessoire ne doit être prononcée contre des auteurs d’actes de terrorisme que par une juridiction qui offre toutes les garanties du procès équitable.

La déchéance de la nationalité française, elle, ne peut frapper que le terroriste binational, cette différence de traitement découle directement d’une obligation internationale de valeur supérieure à la loi nationale française : celle de ne pas créer d’apatrides.
Une valeur plus symbolique qu’effective

Comment, dès lors, sortir de cet imbroglio juridique ? Il faut rappeler ce qui est parfois perdu de vue dans le débat sur la déchéance de nationalité pour les terroristes : des crimes comme la tuerie du Bataclan ou le massacre de paisibles consommateurs, de passants, de journalistes au travail ou de clients d’une supérette constituent des assassinats commis de sang-froid sur des victimes sans défense, ce qui les rend atroces. Ces crimes, par la barbarie qui anime leurs auteurs, s’inscrivent à l’égal des crimes contre l’humanité, au sommet de l’échelle des peines. Au regard de leur gravité et des souffrances des survivants et des familles, la querelle sur le point de savoir si leurs auteurs doivent échapper ou non à la déchéance de la nationalité française, selon qu’ils sont seulement français ou binationaux, apparaît comme secondaire.

Souvenons-nous, à cet égard, que le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale interdit d’appliquer des lois nouvelles plus sévères en matière de déchéance aux auteurs des attentats de 2015. Ils devront avoir été condamnés au terme d’une procédure qui comporte enquête policière, instruction, deux procès devant des cours d’assises spéciales, l’un en première instance, l’autre en appel, puis un pourvoi devant la Cour de cassation.

Leur condamnation ne sera définitive qu’au terme d’une procédure qui durera des années. Et une très lourde peine, la réclusion criminelle, qui comprend une longue période de sûreté de plusieurs décennies, les frappera. Qu’ils soient ou non déchus de la nationalité, ces assassins de la terreur n’auront pour foyer que les centrales de haute sécurité. Quant à savoir s’ils demeureront français ou non, leur statut carcéral n’en sera guère modifié. La question de la déchéance de nationalité relève, au regard de la réalité de leur condition pénitentiaire, une valeur plus symbolique qu’effective.
Lever toute incertitude

Pour laisser à cette déchéance toute sa portée morale, il conviendrait qu’elle soit réservée aux seuls crimes de terrorisme et qu’elle ne soit pas banalisée par son extension à de nombreux délits, comme c’est le cas aujourd’hui. Une mesure symbolique ne doit pas devenir une mesure de sûreté. La déchéance de nationalité française doit être une peine qui frappe les coupables des crimes les plus graves et non d’infractions usuelles. Alors la mesure revêtira sa pleine signification qui importe toujours dans la lutte contre le terrorisme.
Pour laisser à cette déchéance toute sa portée morale, il conviendrait qu’elle soit réservée aux seuls crimes de terrorisme et qu’elle ne soit pas banalisée par son extension à de nombreux délits, comme c’est le cas aujourd’hui. Une mesure symbolique ne doit pas devenir une mesure de sûreté. La déchéance de nationalité française doit être une peine qui frappe les coupables des crimes les plus graves et non d’infractions usuelles.

Il n’est point besoin enfin de recourir à une révision constitutionnelle. Il suffirait au Parlement de remplacer dans l’article 25 du code civil (1) la référence à celui « qui a acquis la qualité de Français » par la mention « tout Français » pour supprimer du texte la distinction entre Français de naissance et Français par acquisition de nationalité.

Pour lever toute incertitude sur la constitutionnalité de cette modification de la loi actuelle, il appartiendrait au premier ministre d’annoncer qu’il saisirait lui-même, à l’issue des débats, le Conseil constitutionnel. Ainsi dans un délai d’un mois après le vote de la loi, la question de sa conformité à la Constitution serait réglée par le Conseil constitutionnel.

Pareille démarche aurait le mérite de la clarté et de la simplicité. Elle ne revêtirait pas la solennité, mais aussi la complexité et l’incertitude politique d’une révision constitutionnelle. Et elle suffirait à témoigner de la volonté du président de la République, du gouvernement et du Parlement de mettre hors la communauté nationale des terroristes qui défient par leurs crimes et leur idéologie les valeurs de la République.

(1) Article 25 du code civil :

« L’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :

1° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;

2° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;

3° S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;

4° S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la F
rance. »

Par Robert Badinter

Ancien garde des sceaux (1981-1986), ancien président du Conseil constitutionnel (1986-1995).
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4 février 2016 4 04 /02 /février /2016 11:09

Bonjour,

A titre tout à fait personnel et informel, je me permets de vous suggérer en PJ un projet de courrier destiné à informer les citoyens sur les moyens à leur disposition pour contacter rapidement leur député avant et pendant le débat à l'AN et avant le vote prévu le 10 février.

J'ai rédigé le projet ci-joint en pensant aux 55 000 (environ) pétitionnaires de "Pour nous, c'est définitivement non !", qui, je pense, seraient prêts à faire plus dans cette période -clé et après les manifs de samedi dernier.

J'ai aussi rédigé un projet de court argumentaire qui pourrait être mis à disposition sur le site des organisations qui le souhaitent et que les militants/citoyens pourraient télécharger si ils le jugent utile avant de chercher à rencontrer leur député-e.

Sentez-vous très libres d'ignorer/adapter ces documents.

Sur le plan politique, un sénateur PS me disait ce matin qu'il sentait désormais possible que le texte (dont on ne connait toujours pas la teneur exacte) ne soit pas voté... compte tenu du nombre de députés PS qui sont contre ou commencent à douter, et aux stratégies à droite visant à isoler Sarkozy... Mais,évidemment, il vaut mieux se préparer au pire..

amicalement

Jean-Marie Fardeau

NB: le lien vers le site portail "etatdurgence" est etatdurgence.fr et non www.etatdurgence.fr

Proposition d’argumentaire destiné aux citoyens qui vont démarcher leur député-e

Etat d’urgence / Déchéance de nationalité

Six arguments pour s’opposer au projet de loi constitutionnelle

  1. Il n’est pas justifiable de modifier la Constitution dans une période de crise, alors que la France est encore sous état d’urgence. Modifier la Constitution engage le pays pour des années, voire des décennies. Y inscrire des mesures extrêmement controversées, liées à des circonstances, aussi dramatiques soient-elles, ne peuvent se faire sans mûre réflexion.
  2. L’article du l’état d’urgence proposé par le gouvernement est extrêmement vague et laisserait la possibilité aux pouvoirs politiques qui dirigeront la France dans le futur de mettre en place un état d’urgence permanent et très restrictif des droits et des libertés.
  3. L’article sur la déchéance de nationalité, en dépit des tentatives du gouvernement pour le rendre acceptable, reste profondément contraire aux principes républicains, en particulier le droit du sol et l’égalité entre les citoyens. Si des Français commettent des crimes, c’est à la justice française de les juger. Si des pays tiers commençaient à expulser vers la France des binationaux français que ces pays jugeraient indésirables, la France refuserait certainement de les accueillir. La Constitution est le texte qui doit unir les Français autour de valeurs et de principes communs. Elle ne doit pas devenir un texte qui divise et punit.
  4. La déchéance de nationalité est une mesure totalement inefficace contre le terrorisme du groupe Etat islamique. Si la priorité du gouvernement est de protéger ses citoyens contre le terrorisme, alors cette mesure est inutile.
  5. Le projet de loi aura pour conséquence de renforcer la stigmatisation d’une partie de la population. Cette modification constitutionnelle sera source de divisions et de clivages dans notre pays, le rendant, finalement, plus susceptible de tomber sous la menace terroriste.
  6. Les modifications prévues vont accroître le rôle du pouvoir exécutif (police, Préfets) et réduire le contrôle de la Justice sur les décisions du pouvoir exécutif. Les expériences étrangères indiquent que réduire le rôle des juges nuit aux efforts de lutte contre le terrorisme, en retirant des moyens à des enquêtes ciblées au profit de vastes opérations de sécurité peu efficaces. En revanche, il est certain qu’il réduit l’état de droit si fondamental pour la démocratie, et limite la capacité des citoyens de dénoncer les abus de pouvoirs de l’exécutif. Il est déjà inacceptable qu’une partie de la population subisse l’excès de pouvoirs donnés à la police ; mais on ne peut exclure qu’un jour d’autres groupes soient visés, comme ce fut déjà le cas pour des militants écologistes dont l’activité n’avait rien à voir avec le terrorisme.
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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 18:04

Acteurs publics de la laïcité : rappelons le droit, simplement le droit

Publié par MdS le 21 janvier 2016

le 21/01/2016 à 17h05

La Croix

Après les critiques portées par le premier ministre contre l’Observatoire de la laïcité, treize spécialistes signent une tribune dans laquelle ils rappellent que « la laïcité est une loi de séparation, et d’organisation du culte dans le domaine public, et non une loi de contrôle ».

TRIBUNE

« Les polémiques sur la laïcité se multiplient sans pour autant que les Français puissent saisir les enjeux qu’elles impliquent. Évidemment, la laïcité implique une conception de notre société et l’attitude que cette dernière devrait avoir vis-à-vis des cultes ou des philosophies de pensée. Or, une vision philosophique de la laïcité ne permet pas aujourd’hui de gouverner les individus, puisqu’elle est susceptible de se décliner en autant de typologies qu’il y a de façon de la conceptualiser.

La seule réponse évidente qui s’impose dans le débat houleux concernant la laïcité est la conception juridique de la laïcité. En la matière, nous soutenons l’attitude bienveillante de l’Observatoire de la laïcité qui n’a fait que respecter la ligne de conduite fondamentale : lorsque la passion veut s’imposer, mieux vaut se référer au droit applicable et rien qu’au droit applicable.

Garantir la liberté de conscience

Voilà qu’il est toutefois reproché à ce même Observatoire -et à ceux qui le soutiennent – de faire de la laïcité « un élément fantasmé », de modifier les termes et l’objet du débat sur la laïcité. Nous le maintenons, n’en déplaise aux détracteurs : la laïcité est une loi de séparation, et d’organisation du culte dans le domaine public, et non une loi de contrôle. Juridiquement, l’État, depuis la loi de 1905, est neutre. En conséquence de cette neutralité, deux obligations, l’une positive l’autre négative, …découlent. D’abord, l’obligation de ne pas se mêler des affaires des cultes ; ensuite l’obligation positive d’assurer et de garantir la liberté de conscience (croire ou ne pas croire, pratiquer ou ne pas pratiquer) à tous les citoyens de la République Française.

La reconnaissance de la liberté de conscience passe également par le droit de manifester sa religiosité dans l’espace public, dans un cadre donné. C’est la raison pour laquelle toute personne est libre de s’habiller ou d’arborer le signe religieux de son choix dans l’espace public, à condition de ne pas porter atteinte à l’ordre public. La garantie de la liberté de conscience ne suppose pas que l’État s’impose une distanciation totale avec les religions. Les religions sont une composante de notre tissu social : en conséquence l’État est amené à interagir avec elles, tout en se rappelant son inhérente neutralité.

Laïcité comprise et effective

Nous avons oublié que la laïcité doit être lue de manière cohésive avec notre principe de fraternité. C’est la plus grande faiblesse des analyses que nous voyons ces derniers jours. Loin de la laïcité, l’idée de détruire la cohésion sociale ; la laïcité vise à ressouder les liens fraternels entre les enfants de la République. Mais, pour garantir son effectivité, la laïcité a besoin de la mixité sociale, de mixité scolaire et d’une lutte constante contre toutes les inégalités et discriminations.

C’est à cela que l’État doit d’abord s’attaquer, afin de défendre une laïcité comprise et effective. Pour la promouvoir à l’école, il faut la présenter à nos enfants, qui feront la réalité sociale de demain, comme un principe qui vise à rassembler tous les Français quelles que soient leurs convictions, et assurer la fraternité sociale.

Or les débats actuels s’enlisent vers une laïcité répressive. En témoigne la volonté d’interdire le voile à l’université ou encore la mise en place d’un menu unique dans les cantines de notre République. Alors que les repas à la cantine représentent justement toute la diversité de notre République réunie à une seule et même table, nous constatons aujourd’hui que des interprétations restrictives de la laïcité excluent, quelque part, des citoyens Français en raison de leurs confessions.

Refus de l’instrumentalisation

Alors oui, nous refusons ces interprétations. Nous refusons une vision antirépublicaine, qui ne correspond pas aux idéaux portés par de grands penseurs de notre loi de séparation. Nous refusons l’instrumentalisation de la laïcité pour en faire un outil de répression qui enlève des droits, plus qu’elle n’en garantit. N’oublions pas que sur L’État pèse cette obligation de garantir la liberté de conscience. Demandons à nos concitoyens aujourd’hui : l’État a-t-il réellement assuré la liberté de conscience pour tous ?

Une grande partie des intervenants dans le débat public méconnaît les fondamentaux de la laïcité, ou souhaite les mettre de côté. Ces intervenants les méconnaissent car ils voient dans l’espace public un espace de neutralité des individus et de neutralisation des cultes. Cette logique antireligieuse doit suffire. La laïcité ne représente pas un athéisme d’État, puisque l’État ne favorise aucune philosophie de pensée. L’État, en tant qu’institution, est neutre. La neutralité suppose l’absence de jugement sur les questions religieuses.

N’essayons pas d’être plus laïques que la laïcité elle-même. Cessons cette instrumentalisation de la loi de 1905. Relisons, avec vigueur et force, les dispositions de cette loi de liberté et non de contrainte. Soudons notre société plutôt que de la diviser. Voilà le message que la laïcité doit aujourd’hui communiquer aux citoyens français. »

SIGNATAIRES

Jean Baubérot, historien et sociologue des religions, auteurs de plusieurs ouvrages sur la laïcité et fondateur de la sociologie de la laïcité.

Asif Arif, avocat au Barreau de Paris, auteur du « 50 fiches pour comprendre la laïcité » aux éditions Bréal (à paraître), directeur de la collection Religions & Laïcités aux éditions l’Harmattan.

Olivier Roy, politologue spécialiste de l’islam, auteur de nombreux ouvrages sur la question du terrorisme dont notamment « L’Islam mondialisé » aux éditions du Seuil ou « La peur de l’islam » aux éditions de l’Aube.

Raphaël Liogier, Professeur des Universités, IEP d’Aix-en-Provence, Collège international de Philosophie à Paris.

Valentine Zuber, historienne et sociologue spécialiste de l’histoire de la liberté religieuse en Europe et de la laïcité en France.

Edouard Martin, député européen.

Samuel Grzybowski, entrepreneur social, fondateur de l’association Coexister, initiateur de #NousSommesUnis.

Mohammed Chirani, auteur de « Réconciliation Française, notre défi du vivre ensemble », consultant en prévention de la radicalisation.

Marc Cheb Sun, auteur et éditorialiste, directeur de la revue « D’ailleurs et d’ici ». Il est l’auteur de l’ouvrage « L’énergie musulmane » aux éditions Philippe Rey.

Elyamine Settoul, chercheur associé à Sciences Po Paris.

Mehdi Thomas Allal, responsable du pôle anti-discrimination de Terra Nova, maître de conférences à Sciences Po et chercheur à l’Université de Paris 2.

Slimane Tirera, coordinateur national de la Maison des Potes, président de l’association La Jeunesse en Mouvement.

Marion Jobert, juriste spécialiste des questions de droit des étrangers et de droit international et humanitaire des droits de l’homme

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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 16:59

Déclaration commune : Il ne faut pas toucher à la loi de 1905 !

Publié par MdS le 14 avril 2015

Il faut défendre les libertés publiques !

Les associations laïques : Ligue de l’Enseignement, Ligue des Droits de l’Homme
et Fédération nationale de la Libre Pensée ont décidé de rendre publique cette déclaration
au vu de la situation préoccupante qui existe dans ce pays aujourd’hui [1].

La laïcité, qui est le libre exercice de sa conscience, est garantie par la loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905. Elle est aujourd’hui menacée par ceux qui veulent en faire un instrument contre une certaine catégorie de la population: les citoyens d’origine arabo-musulmane.
Ainsi, on entend interdire les repas de substitution dans les cantines des collectivités publiques pour les végétariens et les personnes ne voulant pas, pour des raisons diverses, manger du porc. Imposer une nourriture contraire aux convictions personnelles, ne relève pas de la laïcité, mais de la xénophobie. S’il est juste d’un point de vue laïque de refuser de diffuser dans les collectivités publiques les produits casher et hallal, imposer des repas avec de la viande de porc relève de la discrimination.
Ainsi, on entend réclamer l’interdiction du voile dit « islamique » à l’Université. Rappelons qu’il existe, dans les facultés, les franchises universitaires qui sont des libertés arrachées au pouvoir et aux clergés. Remettre en cause les libertés universitaires ne relève pas de la laïcité, mais d’une remise en cause de la démocratie.
Ainsi une proposition de loi qui doit être examinée en mai prévoit la modification du Code du Travail; on veut y intégrer des dispositions relevant de la sphère publique et de la nécessaire neutralité des agents des Fonctions publiques. Le Code du Travail régit les rapports entre les dirigeants d’entreprise et les salariés. Au sein des entreprises, la liberté de conscience est régie par l’Article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789: « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »
On veut étendre à l’infini la sphère publique et imposer la nécessaire neutralité des agents des services publics à tous les salariés dans tous les secteurs de la vie économique et quotidienne. Cela relève d’une volonté de normalisation à outrance de la société et entraînerait une diminution drastique des espaces où s’exercent les libertés individuelles. C’est transformer les entreprises en champ clos d’affrontements communautaristes et religieux. Il est possible de mettre des limites à la liberté de comportement des salariés, en raison des besoins de l’entreprise et de la sécurité, mais cela doit être strictement délimité et soigneusement encadré. Aucune entreprise n’a le droit de posséder un blanc-seing pour régenter la conscience des salariés.
Ainsi, contre le principe de Séparation des Eglises et de l’Etat, on entend des propositions visant à suspendre, modifier, abroger la loi de 1905 pour « intégrer » l’Islam. Rappelons que la loi de 1905 a été promulguée alors qu’il y avait 10 millions de musulmans sur le territoire de la République dans les 3 départements d’Algérie. Son article 43 prévoyait son application en Algérie. C’est pour des raisons d’intérêts colonialistes et de contrôle des « indigènes », via les imams qu’il fallait garder assujettis au système colonial, que cette disposition n’a jamais été appliquée, alors qu’elle était réclamée avec force par toute l’élite nationale et indépendantiste algérienne.
Rappelons aussi que les cultes bouddhistes (600.000 adeptes en France) ont été intégrés dans les dispositions des associations cultuelles prévues dans la loi de 1905 sans qu’il ait été besoin de modifier un mot de la loi de 1905. Il n’appartient pas à l’Etat et au gouvernement de s’ingérer dans l’organisation des cultes, ni de désigner ses « interlocuteurs officiels », ni de former les religieux et encore moins de délivrer des diplômes religieux. Nos associations rappellent ce que disait Victor Hugo: « L’Etat chez lui, les Eglises chez elles ». Toute autre disposition visant à l’ingérence de l’Etat dans les cultes relève de l’esprit de concordat [2].
La laïcité et les libertés sont menacées !
Comment ne pas être inquiets quand on prend connaissance du projet de loi présenté par le Premier Ministre qui « légalise des mesures de surveillance jusqu’ici interdites. Les possibilités d’écoute, d’espionnage d’Internet et de visites clandestines de domiciles sont étendues. (Le Monde du 21 mars 2015). Et ce pour protéger « Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France. Les intérêts économiques et scientifiques… »
Là aussi, la part des libertés individuelles ne cesse de se réduire au détriment du « tout sécuritaire ». Une grande menace se fait jour sur les libertés de communication téléphonique où les moyens techniques légalisés ne laisseront plus aucune part à la préservation de la vie privée. Tout est possible, tout sera-t-il permis? Les moyens de contrôle sautent les uns après les autres. La CNIL n’a plus aucun rôle dans cette affaire et le juge judiciaire est totalement dessaisi au profit de l’Administration.
Comment ne pas être inquiets aussi quand l’une des nouvelles missions affectée aux services secrets est: « La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique? » Cette notion peut recouvrir tout et n’importe quoi, y compris dans le domaine social et syndical. Une nouvelle loi anticasseurs?
Comment ne pas être aussi stupéfiés que la lutte antiterroriste et son dispositif légal aient conduit une personne en état d’ivresse avancée, qui n’était plus dans l’état de comprendre quoi que ce soit, à être condamnée à des années de prison pour des propos d’ivrogne?
Il serait temps de se rappeler ce que disait Benjamin Franklin: « Ceux qui pensent qu’en abandonnant un peu de liberté, ils auront un peu plus de sécurité, n’auront au bout de chemin ni sécurité ni liberté. »
Il faut défendre nos libertés et la laïcité: Il s’agit de notre liberté de conscience!

faut défendre nos libertés et la laïcité: Il s’agit de notre liberté de conscience!

——
[1] Déclaration commune
[2] La prochaine fois que quelqu’un vous bassine avec le voile…
Parlez-lui de l’Alsace Mos
elle !

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