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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 14:27

Tunisie : Grève réussie dans le secteur privé de la région de Sfax samedi 21 novembre 2015, par MOULEH Mohamed Abdel

Sommaire

Dans quel contexte se situent Pourquoi les grèves ont-elles Une grève réussie Des grèves capitales pour (...) Aux alentours du 15 novembre, l’UGTT de Sfax ressemblait à un nid d’abeilles. Etait à son ordre du jour la réussite de la grève régionale annoncée pour le 19. Celle-ci inaugurait un cycle de grèves comparables dans l’ensemble des régions de Tunisie. Dans quel contexte se situent ces grèves ? Il est indispensable de rappeler que la centrale UGTT a été un acteur politique majeur en 2013-2014. (1) Elle a réussi pendant cette période à imposer la reconnaissance de son rôle historique dit « national », en tant qu’élément d’équilibre et de stabilité du pays. Les interlocuteurs de l’UGTT espéraient qu’il en résulterait l’instauration d’une « paix sociale » de deux ans, ainsi qu’un silence du syndicat au sujet des « réformes » imposées par le Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et les autres bailleurs de fonds. (2) Mais simultanément, l’UGTT se devait de répondre aux attentes des salarié-e-s, décidé-e-s à mettre fin à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat. * Dans le secteur public, entre novembre 2014 et juin 2015, ont eu lieu maintes grèves et mobilisations, parties de plusieurs secteurs comme par exemple l’enseignement et la santé publique. Des augmentations et des primes spécifiques ont pu être arrachées. * De son côté, le patronat tunisien a persisté à ne pas appliquer une grande partie des accords sectoriels conclus avec l’UGTT dans le secteur privé. Invoquant la crise économique, il n’envisage à ce jour que des augmentations salariales minimes, ne devant pas dépasser le taux d’inflation proclamé par le pouvoir et qui est très en deça de la réalité. Suite au blocage des négociations dans le secteur privé, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé, le 8 novembre, le déclenchement d’une série de grèves régionales. Les dates en ont été précisées le 12 novembre. Et, comme d’habitude, la première grève concerne la région de Sfax où elle a été décidée pour le 19 novembre. Pourquoi les grèves ont-elles commencées par la région de Sfax ? La région de Sfax est la première région industrielle du pays, et une des plus combatives. C’est la plus rodée et la plus opérationnelle lors des grandes mobilisations ou grèves. Cela a par exemple été le cas lors de la fameuse grève générale régionale du 12 janvier 2011 qui a été un des principaux préludes à la fuite de Ben Ali. Il en a été de même suite aux assassinats politiques de 2013. L’Union régionale de Sfax est également la pierre angulaire de l’UGTT pour des raisons historiques : c’est le lieu de naissance de l’UGTT et de nombre de ses dirigeants, dont le premier secrétaire général et héros national Farhat Hached. La tradition veut que deux membres du Bureau exécutif de l’UGTT sur treize proviennent de cette région. Les militants ont fait le maximum pour réussir une mobilisation d’ampleur, digne de la réputation de la région, en vue d’organiser une véritable démonstration de force. Une grève réussie L’UGTT de Sfax avait appelé les salariés des 164 plus grandes entreprises du privé à faire grève le 19 novembre. La mobilisation dans le privé s’est adossée sur des secteurs clés, connus pour leurs traditions combatives et militantes, ainsi que par leur poids dans la région : la chimie et le pétrole (3), le textile, la construction métallique ainsi que le secteur de la restauration. Ce mouvement a été un franc succès avec un taux de participation de l’ordre de 90 % et des débrayages de solidarité dans le secteur public. Dans le secteur public, l’UGTT avait appelé les salariés à débrayer en solidarité pour se rendre à l’assemblée générale du secteur privé devant le siège de l’UGTT. Le nombre total de personnes présentes rappelait le 12 janvier 2011, où la grève générale de Sfax avait joué un rôle déterminant dans la chute de Ben Ali. Au balcon de l’Union régionale avaient pris place trois membres (sur treize) du Bureau exécutif national de l’UGTT, l’ensemble des membres du Bureau régional, les secrétaires généraux des Unions régionales de Ben Arous et Jendouba. Pendant les discours des dirigeants, fusaient de multiples slogans. Certains visaient violemment la porte-parole du syndicat patronal : « Bouchamaoui dégage ». D’autres exigeaient avec détermination la satisfaction des revendications salariales : « L’augmentation des salaires n’est pas une aumône », « Bande de voleurs, l’augmentation est un droit et pas une faveur », « Nous ne céderons pas », « On en a marre des humiliations et de la misère ». Les femmes et les jeunes avaient une présence très visible. Dans son discours, le secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé du secteur privé, Belkacem Ayari, a réaffirmé avec force les revendications des salarié-e-s sous les cris de la foule. Il a notamment rappelé que la grève de la région de Sfax était la première d’une série de grèves et de mobilisations visant à arracher des augmentations salariales et la négociations d’une nouvelle convention pour le secteur privé en 2016. Tout le monde est ensuite parti en manifestation jusqu’au siège du Gouvernorat (l’équivalent de ce que sont en France les Préfectures). Le cortège, regroupant plus de 20 000 participant-e-s, avait une allure rappelant la manifestation historique du 12 janvier 2011.... mis à part l’absence cette fois-ci de matraques et de gaz lacrymogènes. On y trouvait un grand nombre de banderoles sur lesquelles étaient inscrites les revendicatioque ns, ainsi des drapeaux de la Tunisie et de l’UGTT, sans oublier des pancartes avec les portraits des dirigeants syndicaux historiques. La grève de Sfax constitue un bon démarrage pour la série de grèves régionales du même type annoncées d’ici le 1er décembre. Si le patronat persiste à ne pas céder, une grève générale nationale est d’ores et déjà envisagée. Des grèves capitales pour la classe ouvrière tunisienne L’UGTT a face à elle le syndicat patronal UTICA, son partenaire dans le « quartet du dialogue national », et qui reste inflexible pour le moment. Elle se trouve également face à un gouvernement de plus en plus fragilisé. Celui-ci doit en effet affronter la grave crise traversant le parti Nidaa Tounès ainsi que l’alliance au pouvoir. En ce qui le concerne, le gouvernement redoute ces tensions sociales, car il a été mis en demeure d’appliquer sans nouveau retard les « réformes » exigées par les « bailleurs de fonds » pour qu’ils continuent à financer un pays de plus en plus tributaire de la dette extérieure. Il est vital pour les travailleurs tunisiens, broyés par misère et la pauvreté, que les mobilisations en cours débouchent sur un coup d’arrêt à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat. Il en va de même pour la direction de l’UGTT avant qu’elle ne s’envole pour recevoir, le 10 décembre, un prix Nobel vantant les mérites du compromis et du « dialogue ».

Sfax, le 21 novembre 2015 Notes :

1. Voir notamment l’article paru dans le numéro d’Inprecor paru fin octobre 2015 et dont le paragraphe concernant l’enchaînement des faits depuis 2011 est reproduit sur ESSF www.europe-solidaire.org/spip.php?article36253

2. Des rencontres ont eu lieu à ce sujet entre le secrétaire général de l’UGTT Houcine Abassi et le FMI, dont sa directrice générale du FMI Christine Lagarde.

3. Le recrutement dans le secteur pétrolier et la manutention portuaire est organisée sur un mode paritaire. P.-S. * Mohamed Abdel Mouleh est militant de la LGO et du Front populaire

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